PREMIERE PARTIE – LES
BREVETS EDOBAUD
LE TRAIN-JOUET FRANÇAIS : ASPECTS TECHNIQUES ET
BREVETS D’INVENTION DEPOSES
LES TRAINS-JOUETS EDOBAUD ET LES BREVETS
D’INVENTION DEPOSES
Fondée par Edouard BAUD à
Villeurbanne (Rhône) en 1928, la société a été transférée à Oyonnax, dans
l’Ain, dès 1930. C’est là qu’a été développée, dans le domaine du « jouet
scientifique de fabrication exclusivement française » (comme cela a
été écrit par EDOBAUD dans ses dépliants publicitaires), une gamme de
locomotives, wagons et accessoires robustes en écartement « 0 ». En
1931, EDOBAUD produit des trains pour la voie « 0 » tractés par des
locomotives électriques dites « tracteurs Le Simplon », inspirées des
modèles (comme les « Crocodiles » de type suisse) qui circulaient à
l’époque sur les réseaux alpins.
Les locomotives sortaient
des normes habituelles de l’époque par leur poids et leur gabarit (qui fait
penser à du « 1 » sur de la voie de « 0 »). EDOBAUD a
produit en 1931 un tracteur Le Simplon de type 2B2 (voir image ci-dessous),
puis en 1932 un tracteur de type 2C2. Ces locomotives sont équipées d’un moteur
universel et possèdent des roues isolées pour pouvoir fonctionner sur les voies
EDOBAUD à deux files de rails isolés (référence 35101). A noter que sur demande
spéciale, le tracteur est livré avec frotteur pour rail central pour pouvoir
fonctionner sur une voie à trois conducteurs (référence 35100).
La firme EDOBAUD a disparu
vers 1938.
(Crédit
photographique : «
La
société EDOBAUD a déposé les 2 brevets français ci-après listés (ces
brevets comportent souvent des figures fort intéressantes) que nous allons
examiner tour à tour :
-
brevet n° 1 : brevet français FR 751 719 (A), demandé le 2
mars 1933 et délivré le 26 juin 1933 : la présente invention concerne
un type de moteur universel bobiné spécialement pour obtenir la commande à
distance de l’inverseur de sens de marche, fonctionnant sur une voie à trois
conducteurs isolés les uns par rapport aux autres.
L’ensemble du
système breveté était inhabituel pour l’époque, mais bien pensé et intéressant.
Contrairement aux réalisations de notamment JEP, BLZ, HORNBY, les trois rails
étaient ici isolés les uns par rapport aux autres. Les roues de toutes les
voitures (locomotive comprise) étaient donc isolées. La locomotive avait un
double bobinage de l’inducteur, raccordé pour chaque sens de marche à l’un des
rails externes par l’intermédiaire des roues correspondantes (le retour du
courant se faisant via l’induit, le collecteur et le frotteur). Comme dans les
systèmes à courant continu fonctionnant avec inversion de polarité, l’inversion
du sens de marche à distance était donc d’une fiabilité absolue.
Pour accéder au document
original complet avec ses figures, cliquer ici.
-
brevet n° 2 : brevet français FR 769 984 (A), demandé le
1er juin 1933 et délivré le 18 juin 1934 : la présente invention a trait à une voie pour chemin de fer jouet
électrique présentant les caractéristiques essentielles suivantes : 1) les
rails, creux, ont une section en forme de U renversé avec des pattes de base
largement débordantes dans un plan horizontal ; 2) les rails reposent sur des
semelles particulières pourvues de moyens d’attachement spéciaux pour fixer les
rails sur des traverses en bois ; 3) la jonction des éléments de voie est
assurée par des éclisses de forme appropriée.
Il ne fait pas de
doute que sont décrites ici les voies à trois files de rails isolés.
Pour accéder au document
original complet avec ses figures, cliquer ici.
Premier ajout en relation avec le
brevet EDOBAUD n° 1 :
EDOBAUD
est très probablement le premier, grâce à son système à trois files de rails
isolés, à avoir mis au point, protégé par brevet et exploité un
procédé de commande à distance du sens de la marche en courant alternatif qui
ne présente aucun déréglage possible. Ce procédé a été primé au
Concours des Inventions de
1) A noter
que ce type de procédé à trois rails conducteurs isolés où les locomotives
avaient un double bobinage de l’inducteur, raccordé pour chaque sens de marche
à l’un des rails externes, procédé permettant facilement l’inversion de marche
en courant alternatif, a été repris et exploité quelques années plus tard par
la firme allemande ZEUKE fondée en 1945 à Berlin par Werner ZEUKE qui a
commencé à fabriquer des trains en « 0 » dès 1946.
On a
rapporté, dans l’état antérieur de la technique concernant les trains-jouets,
que le procédé à trois conducteurs isolés mis en œuvre dans le « train
ZEUKE » relevait/dérivait probablement du brevet
allemand DE 655 727 (C), demandé par MARKLIN le 21
janvier 1936 et délivré le 6 janvier 1938 (ce brevet étant sans correspondant)
: l’enseignement de ce brevet concerne en
effet un procédé de commande à distance faisant appel à la mise en œuvre de
locomotives électriques ayant un double bobinage de l’inducteur, raccordé pour
chaque sens de marche à l’un des rails externes d’un système à trois
conducteurs isolés.
Pour accéder audit brevet MARKLIN original complet avec
ses figures, cliquer ici.
Le brevet
MARKLIN vise donc à couvrir une invention pour le moins très semblable à celle contenus
dans le brevet EDOBAUD n° 1. Par voie de conséquence, le brevet EDOBAUD :
-
qui était déjà publié (il l’a été le 8 septembre
1933) depuis plusieurs années au moment où MARKLIN a procédé au dépôt de son
brevet (le 21 janvier 1936),
-
constitue, par application normale des lois en
matière de brevetabilité, un art antérieur complètement opposable qui vient
détruire la brevetabilité du brevet ultérieur de MARKLIN (son invention est
dépourvue de nouveauté et/ou d’activité inventive et/ou de progrès technique
par rapport à l’enseignement préalable publié par EDOBAUD).
Il est
donc plus juste d’estimer que le « train ZEUKE » doit être vu comme
un réel descendant du brevet EDOBAUD.
2) A noter
encore que le système à trois rails conducteurs isolés se
retrouve encore dans d’autres réalisations telles que d’abord celles rapportées
dans les deux documents brevets ci-après
référencés qui concernent la manière de faire circuler, en même temps, sur une
même voie, indépendamment, deux ou plus de deux trains :
-
brevet français FR 796 303 (A),
bénéficiant d’une priorité allemande du 28 novembre 1934, demandé en France le
15 octobre 1935 et délivré le 22 janvier 1936 : il décrit et revendique l’utilisation d’un système à trois rails
conducteurs isolés pour créer dans la voie deux circuits de courant distincts I
(un des rails extérieurs et le rail du milieu) et II (l’autre rail extérieur et
le rail du milieu) dans le but de permettre le fonctionnement à distance de
deux locomotives de construction identique (ayant un inducteur à simple
bobinage), indépendamment l’une de l’autre.
Pour accéder au brevet FR
796 303 (A) original complet avec ses figures, cliquer ici.
-
brevet anglais GB 629 672 (A),
bénéficiant d’une priorité suisse du 30 avril 1943, demandé en Grande-Bretagne
le 20 avril 1946 et accordé le 26 septembre 1949 : il décrit et revendique un système très compliqué à fabriquer (et dont
le bon fonctionnement n’est pas assuré) à deux ou trois rails conducteurs
isolés, système dans lequel au moins un des rails est en fait une sorte de
« sandwich multiconducteur »s comprenant (voir figures 1 à 13) au
moins (?) deux bandes conductrices longitudinales séparés électriquement l’une
de l’autre par une bande intercalaire isolante (partie hachurée), ledit système
permettant de faire circuler indépendamment au moins deux trains (ce nombre pouvant aller, selon les
explications données dans le brevet, jusqu’à huit trains !) à condition que chaque roue captant le courant
réponde aux conditions suivantes : la surface de roulement (wheel rim f)
est conductrice, le boudin de roue (wheel flange g) est fait en matière
isolante, et le courant est capté par la surface de roulement et/ou grâce à des
dispositifs (cf. figure 14) mettant en contact la roue avec l’une ou l’autre
des bandes conductrices longitudinales intérieures et extérieures du rail
sandwich.
Pour accéder au brevet GB 629 672 (A) original complet
avec ses figures, cliquer ici.
3) On va présenter ici une invention qui mérite une attention toute
spéciale qui fait appel, pour sa mise en œuvre, non seulement à des voies à
trois files de rails conducteurs mais encore à une alimentation électrique du
système avec (et ce n’est pas une hallucination !) du courant alternatif triphasé
(3 x 14 volts) :
C’est l’ingénieur allemand Anna Franziska KAISER
(probablement épouse de Helmut KAISER, un autre inventeur travaillant au sein
de la firme DISTLER) qui a déposé le 17 février 1951 la demande de brevet
allemand visant à protéger des moteurs électriques à champ tournant avec trois
fils d’alimentation, absence de collecteur et de charbons, et présence de
roulements à billes facilitant la rotation des masses ; cette demande a
conduit, à l’issue d’un examen de brevetabilité - devant le Deutsches Patentamt
- rapide (vu l’originalité de l’invention) et favorable, à l’accord le 31
décembre 1951 du brevet allemand DE 866 814 (C) ; ce dernier possède des
correspondants étrangers en Suisse (CH
Ce brevet allemand et ses correspondants englobent
dans leur contenu la description du moteur équipant les locomotives en
« 0 » fabriquées et vendues à partir de 1955 par la firme DISTLER de
Nuremberg et alimentées en courant alternatif triphasé. Pareil moteur où la « cage » (pièce 7) est fixe (stator) et
le rotor (pièce 3) est un simple noyau métallique est présenté dans les parties
suivantes du texte en langue anglaise :
-
page 2, colonne de gauche, lignes 1 à 36, en relation
avec les figures 1 et 2 et
-
page 2, colonne de droite, lignes 70 à 85, en relation
avec la figure 7 ; cette figure donne plus de détails sur la structure du
stator (pièce 7) montré ici en perspective ; les bobinages (windings), non
représentés dans la figure, sont installés dans tout ou partie des évidements
(spaces 17).
Dans une
autre partie du brevet, on décrit, en relation avec les autres figures 3 et 4,
une autre construction du moteur triphasé où cette fois c’est la
« cage » qui tourne autour de l’induit fixe et qui est motrice.
Le moteur
DISTLER triphasé est connu pour être extrêmement robuste et il a très rarement
dû tomber en panne et être ouvert pour remise en état, ce qui explique
peut-être pourquoi, même en 2012, aucune photographie montrant l’intérieur du
moteur n’a pu être trouvée.
Pour accéder au brevet DISTLER en langue allemande avec
ses figures, cliquer ici.
Pour accéder au brevet DISTLER en langue anglaise avec ses
figures, cliquer ici.
A
noter que le CFE (Cercle Ferroviphile Européen)
a publié dans son bulletin n° 105 de juin 2012 le premier épisode de l’histoire
de la firme allemande DITLER et de ses principaux trains-jouets alimentés en
courant alternatif triphasé. Le lien permettant d’aller consulter le site
officiel du CFE est le suivant : http://www.trainjouet.com/.
Second ajout en relation avec le
brevet EDOBAUD n° 2 :
On va examiner maintenant le lien pouvant exister
entre le brevet EDOBAUD n° 2 et la réalité ferroviaire.
A propos des voies réelles pour chemin de fer non
jouets, la forme des rails a beaucoup varié ; on a employé successivement
le rail à simple champignon,
le rail à double champignon,
le rail à pont, le rail VIGNOLES ou rail à patin. Les deux premiers
types sont réunis à la traverse par l’intermédiaire d’un coussinet ; les deux
derniers se fixent directement sur la traverse.
Arrêtons
nous sur le rail à pont qui
est un type de rail intéressant inventé vers les années 1847 à 1850. On
distingue généralement deux modèles de rail à pont :
-
le rail
BRUNEL :
Il
a été créé pour le Great Western Railways ; ce rail (cf. figure
ci-contre) avait la forme d’une gouttière renversée et était posé sur
longrines.
RAIL BRUNEL
- le rail BARLOW :
Il
a été utilisé en Angleterre et en France dans le Midi ; ce rail (cf.
figures ci-contre) avait la forme d’une selle de cheval et était posé soit directement
sur la traverse, soit directement sur le ballast dans lequel il était
partiellement noyé.
RAIL BARLOW sur traverse
RAIL BARLOW sur ballast
Le brevet EDOBAUD n° 2 revendique (cf. RESUME, §
1°) : des « rails, creux,
(ayant) une section en forme de U inversé avec pattes de base largement
débordantes dans un plan horizontal ». Le seul énoncé de cette
revendication fait évidemment penser à des rails BRUNEL ou BARLOW et les
schémas du brevet (cf. figures 2 et 3) où l’on retrouve la forme très particulière
de la gouttière renversée/selle avec son renflement destiné à maintenir le rail
sur sa base, atteste parfaitement ce possible lien, à plus de 80 ans de
distance, entre les voies jouets d’EDOBAUD et les voies BRUNEL et/ou BARLOW.
Tous nos
remerciements à http://www.zapgillou.fr/mondalazac/articleweb/5col.html
qui a conduit avec brio cette analyse de la similitude pouvant exister entre
des voies de trains-jouets et les voies BRUNEL et/ou BARLOW.
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© Février 2010 mtr.train –
Juin 2012 mtr.train